2 milliards pour le Cojop, 6 pour la Cour des comptes : la guerre des chiffres sur la facture publique des JO de Paris 2024

La Cour des comptes a publié lundi 23 juin une note dans laquelle elle estime le montant total des dépenses publiques pour les jeux Olympiques de Paris 2024 à près de 6 milliards d’euros. Un chiffrage fortement critiqué par les organisateurs de l’évènement, qui reprochent à l’institution d’avoir comptabilisé des dépenses non directement imputables aux JO.

Le coût du prolongement de la ligne 14 a été comptabilisé dans les dépenses publiques pour les JO. Une décision contestée par les organisateurs de l'évènement, qui estiment que seul le prolongement au Nord (Saint-Denis-Pleyel) était directement lié aux JO, et pas celui jusqu'à l'aéroport d'Orly au sud.

Fait habituel dans la comptabilité française, la facture sera finalement plus salée qu’espéré. Cette fois-ci, ce n’est pas des comptes publics dont il est question, mais bien du montant total dépensé par l’Etat et les collectivités pour l’organisation des Jeux de Paris 2024. Et selon une note de la Cour des comptes publiée lundi 23 juin, les dépenses publiques pour l’évènement avoisineraient les 6 milliards d’euros. Soit deux fois plus qu’annoncé dans le projet de loi de finances (PLF) 2025, et plusieurs centaines de millions de plus que les 5,3 milliards annoncés par François Bayrou, selon sa réponse aux Sages de la rue Cambon.

Dans le détail, la Cour estime les dépenses liées à l’organisation des JOP à 2,77 milliards, et celles liées aux infrastructures à 3,19 milliards d’euros. Un calcul contesté par les organisateurs et les services de l’Etat, qui considèrent le chiffrage « disproportionné par rapport à la réalité » car certaines des dépenses comptabilisées par l’institution n’étaient pas indispensables aux JO. Il en est ainsi des 80,3 millions d’euros dédiés au programme de haute performance à destination des athlètes français et comptabilisés dans les frais d’organisation.

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Ce premier poste comprend en grande majorité les dépenses publiques de sécurité, qui représentent autour de 1,44 milliard de dollars. Pour les transports, il faut compter 570 millions d’euros, dont « 335 millions au titre des renforts d’offres financés à 83 % par la RATP et la SNCF », note la Cour des comptes. Toujours dans les dépenses d’organisation, 287 millions ont été versés au Comité d’organisation des jeux Olympiques et paralympiques (Cojop), 314,4 millions à la mise en place de fans zones, au relais de la flamme ou encore aux billets solidaires. Le Cojop conteste notamment la prise en compte des droits payés par France Télévisions pour pouvoir diffuser la compétition.

Des dépenses qui n’auraient pas dû être comptabilisées

C’est au sujet des infrastructures que les dépenses sont le plus contestées. Sur 3,19 milliards d’euros, 1,24 milliard est parti dans les infrastructures sportives, dont la moitié pour les sites de compétition. Le village des athlètes et celui des médias ont, eux, capté environ 600 des 839 millions destinés aux aménagements urbains. De leur côté, les organisateurs considèrent que certains aménagements, comme les rénovations d’écoles ou l’échangeur Pleyel au nord de la capitale, n’auraient pas dû être comptabilisés.

Les dépenses publiques pour les infrastructures de transport ont, elles, coûté 595 millions d’euros à l’Etat, plus que prévu initialement, en raison de surcoûts d’accélération des travaux pour terminer avant les Jeux. C’est le cas du prolongement de la ligne 14 du métro jusqu’à l’aéroport d’Orly. Encore une dépense contestée par les organisateurs des Jeux, pour qui seul le prolongement au nord, pour desservir Saint-Denis, était nécessaire au bon déroulement des Jeux. De même pour le chantier Eole pour prolonger la ligne E.

Il y a quelques semaines pourtant, alors que le Cojop se vantait de terminer avec un bilan comptable positif à + 76 millions d’euros, des spécialistes alertaient déjà sur le montant des dépenses publiques, qui pourrait faire basculer les comptes dans le rouge. L’économiste du sport Pierre Rondeau rappelait ainsi sur X que le coût pour l’Etat ne représentait encore que des estimations. Le même spécialiste soulignait également qu’un certain nombre de dépenses indirectes n’avaient pas été prises en compte dans le coût total « officiel » des Jeux, comme « la sécurité », les primes des conducteurs, ou encore la dépollution de la Seine. Un « écueil » auquel la Cour des comptes a visiblement décidé de remédier, sauf en ce qui concerne les travaux pour la baignabilité de la Seine, qui n’ont finalement pas été intégrés dans le calcul des dépenses.

L’institution basée rue Cambon, dans Paris, a ainsi tenu à prendre en compte une « approche élargie » du bilan financier des Jeux. Lors de la présentation de la note, le président de la Cour, Pierre Moscovici, a critiqué « l’absence de prévision sérieuse des besoins en sécurité dans la budgétisation initiale ». En effet, les dépenses à ce poste ont été multipliées par sept.

6 milliards selon la Cour, 2 milliards selon le Cojop

En face, les organisateurs assènent un autre coup à la méthodologie de la Cour des comptes : ils lui reprochent de ne pas avoir pris en compte les recettes commerciales et fiscales générées par les Jeux. Le président des Jeux, Tony Estanguet, a ainsi regretté que « l’impact économique positif des Jeux » ne soit pas pris en compte, tout comme la ministre des Sports actuelle Marie Barsacq. Selon une étude du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges publiée en mai 2024, les retombées représenteraient entre 7 et 11 milliards d’euros. Une estimation haute, comme le rappelle Pierre Rondeau : « Selon l’agence EY, à partir d’un rapport commandé par France Stratégie, les Jeux auraient rapporté 7,1 milliards d’euros à l’économie, soit un résultat intermédiaire entre scénario moyen et scénario optimiste. » Pour l’économiste, il est encore trop tôt pour un véritable calcul coût-avantage, notamment pour les retombées. La Cour a elle-même rappelé « l’indisponibilité des données (…) des effets positifs et négatifs des Jeux sur l’activité économique ».

6 milliards de dépenses publiques selon la Cour des comptes, moins de 3, voire 2 milliards selon les organisateurs… Qui aura le dernier mot ? Le rapport de l’institution « n’est que le premier épisode d’un feuilleton qui va s’étirer sur plusieurs mois », a rappelé Pierre Moscovici. Il faudra attendre au plus tard le 1er octobre pour que le rapport complet sur les coûts et retombées économiques soit présenté aux députés et trancher la question. Point positif, néanmoins : « Il semble que les dépenses publiques soient plus limitées qu’à Londres 2012 », a souligné le président de l’institution, qui a également insisté sur la « réussite incontestable » qu’ont été les JOP 2024.